Féminiser nos campus

Une campagne pour rendre visibles les femmes dans nos lieux d’étude

Le projet Féminiser nos campus, porté par la CSTE depuis 2023, est né d’un constat alarmant : comme dans l’espace public où moins de 5 % des rues portent un nom féminin, l’université n’échappe pas à cette invisibilisation. À l’Université de Haute-Alsace, sur environ 40 amphithéâtres, 15 seulement sont nommés, et aucun ne portait jusqu’alors le nom d’une femme.

Cette absence traduit une organisation profondément patriarcale de nos lieux d’études. Elle participe à l’effet Matilda, ce phénomène bien documenté par les historien·nes, qui consiste à minimiser, ignorer ou attribuer à des hommes les travaux et découvertes réalisés par des femmes. Cela a des conséquences concrètes sur les représentations et les trajectoires étudiantes, en particulier pour les femmes et les minorités de genre.

C’est pourquoi la CSTE a lancé une grande campagne de consultation et de mobilisation pour proposer des noms de femmes engagées, scientifiques, artistes, militantes, afin de féminiser durablement les espaces universitaires.

Ce combat s’inscrit dans une vision plus large : faire de nos campus des lieux de mémoire vivante, d’égalité et de transmission. Une université qui rend visibles les femmes est une université qui assume son rôle social, critique et transformateur.

La campagne Renommer les Amphis 2023

C’est en mars 2023, à l’occasion du mois des luttes pour les droits des femmes et des minorités de genre, que la CSTE lance sa grande campagne pour féminiser les espaces universitaires. Avec des affiches, des flyers et une série de publications sur les réseaux sociaux, nous invitons toute la communauté universitaire à proposer des noms de femmes pour rebaptiser les amphithéâtres, bâtiments ou salles de cours de l’UHA.

Et la réponse dépasse nos attentes : 124 propositions sont déposées, venant de l’ensemble des campus, mais aussi de la Haute école des arts du Rhin (HEAR) et de Praxis. Cette mobilisation étudiante forte attire l’attention : la campagne fait l’objet de deux articles, l’un dans DNA / L’Alsace, l’autre sur France Info, ce qui permet de donner une visibilité nationale à l’initiative.

Grâce à cette reconnaissance, la campagne entre dans les projets discutés au sein de l’université. Mais très vite, une question cruciale se pose : comment mettre en œuvre cette démarche de manière concrète et démocratique, alors même que certaines directions de composantes se montrent fébriles, voire hostiles au projet ?

C’est ainsi que la campagne va donner lieu à plusieurs projets distincts, portés dans différentes composantes, mais tous s’inscrivent dans la même dynamique collective : féminiser nos campus, rendre visibles d’autres figures, et inscrire dans les murs de l’université les luttes trop souvent effacées.

Article sur la campagne
Le poste insta de la campagne
L’affiche de la campagne

Campagne pour nommer l’amphithéâtre 1 de la Fonderie

Dans le cadre de la campagne portée par la CSTE depuis 2023 pour féminiser les espaces universitaires, la Faculté des Sciences Économiques, Sociales et Juridiques (FSESJ) s’est engagée à renommer son amphithéâtre principal. En mars 2025, le conseil de faculté confie l’organisation du projet à un stagiaire chargé de coordonner une campagne en plusieurs étapes, en lien avec les élu·es étudiant·es et les représentant·es du personnel.

La première étape a consisté en une consultation ouverte à toute la communauté universitaire de la FSESJ : étudiant·es, enseignant·es, chercheur·es, BIATSS. L’objectif était de proposer des noms de femmes inspirantes, si possible avec un lien au territoire (Alsace, Haut-Rhin, Mulhouse), au monde de l’enseignement ou aux disciplines de la FSESJ. L’originalité et la diversité des figures proposées étaient également encouragées.

331 participations, dont

107 contributions complètes, avec

  • 86 étudiant·es
  • 24 enseignant·es
  • 4 personnels BIATSS

128 propositions de noms viables ont été retenues, illustrant l’intérêt fort pour cette démarche de mémoire et de visibilité.

Dans une seconde phase, les élu·es étudiant·es d’un côté, et les élu·es enseignant·es/BIATSS de l’autre, ont sélectionné trois figures chacune, à partir des propositions issues de la consultation.

  • Côté étudiant·es : Madeleine Rebérioux, Gisèle Halimi, Louise Michel
  • Côté enseignant·es/BIATSS : Madeleine Rebérioux, Emma Koechlin-Schwartz, Amélie de Dietrich

Le 6 mai 2025, le conseil de faculté procède au vote final. Dès le premier tour, à la majorité absolue, Madeleine Rebérioux est élue avec 12 voix, contre 5 pour Emma Koechlin-Schwartz et 3 pour Amélie de Dietrich.

L’Amphi Madeleine Rebérioux, une victoire

Poste d’annonce du nommage de l’Amphi 1

Cette décision est lourde de sens. En redonnant une place à une femme dans l’espace universitaire, elle répare en partie l’invisibilisation persistante dans nos lieux d’étude. Mais au-delà de ce symbole fort, elle prend toute sa résonance dans une période troublée. À l’heure où les droits sociaux sont remis en question, où les régimes autoritaires se multiplient, où la mémoire des luttes ouvrières et des combats pour l’émancipation est trop souvent effacée, faire entrer le nom de Madeleine Rebérioux dans nos murs est un acte politique et éducatif.

Historienne engagée, intellectuelle infatigable, militante anticolonialiste, féministe, pacifiste et défenseuse des droits humains, elle a mené toute sa vie un combat pour une société plus juste. Son nom, désormais gravé sur un amphithéâtre de la FSESJ, incarne des valeurs fortes : l’antifascisme, la solidarité internationale, la transmission de la mémoire populaire et la lutte contre le révisionnisme.

Il est désormais essentiel de faire vivre ce choix. Cela passe par une inauguration officielle de l’Amphithéâtre Madeleine Rebérioux, avec la pose d’une plaque commémorative, un temps d’échange autour de son héritage, et des initiatives pour que ses combats continuent d’inspirer les générations étudiantes à venir.

Le batiment E de Illberg future batiment Ada Lovelace ?

Une campagne pour nommer l’Amphi A de la FST ?

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